Abstract
L’originalité de la critique que Michel Henry adressa à la célèbre preuve anselmienne demeure encore négligée par la plupart des commentateurs. Cette critique ne vise pas l’éventuelle illégitimité au plan logique de l’argument, réduit à une démonstration rationnelle ad absurdum. Il s’agit plutôt de déplacer le débat vers la notion d’ex-sistence sous-entendue dans l’argument ontologique : l’existence de Dieu est assumée comme étant extérieure au sujet, auquel il est absolument impossible d’atteindre la réalité divine. Au fur et à mesure qu’il cherche à comprendre le mode d’une possible manifestation de Dieu, Michel Henry accomplit sa phénoménologie, initiée avec sa thèse doctorale de 1963, en affirmant, dans sa trilogie christique, la présence divine dans l’épreuve affective de l’ego que nous sommes. Ainsi, notre hypothèse de travail consiste, d’une part, à montrer le rôle important que cette critique joue dans le prolongement de la phénoménologie henryenne de la vie. Il nous semble, d’autre part, que la même critique n’est pas tant applicable au texte anselmien du Proslogion lui-même, mais plutôt à des interprétations ultérieures qui ont pris la preuve, dite ontologique, en l’isolant du contexte biblique et du mouvement affectif où elle s’insère. De cette façon, nous voulons montrer qu’un être tel que Dieu peut se manifester, non à partir de la phénoménalité concernant la visibilité du monde et la représentation de l’entendement, mais dans le dynamisme de l’affectivité qui caractérise l’intérieur de notre subjectivité - Deus interior intimo meo.